mardi 16 décembre 2025

Quand la mort devient un argument politique

 Un tweet présidentiel qui révèle jusqu’où peut aller la déshumanisation

 Il y a des moments où le silence devrait être la seule réponse digne. Des moments où la mort impose le respect, la retenue, l’humanité. Mais cette fois encore, un message présidentiel a choisi la récupération plutôt que la compassion. Et ce choix en dit long, non seulement sur celui qui l’a écrit, mais sur l’époque que nous acceptons de normaliser.

Couverture de magazine d’opinion Politique Dialogue – Quand la mort devient un argument politique 

Ce dimanche 14 décembre 2025 restera gravé dans les mémoires comme un jour de deuil. Rob Reiner, cinéaste talentueux derrière des œuvres immortelles comme Stand By Me, Quand Harry rencontre Sally et The Princess Bride, et sa femme Michele Singer Reiner ont été retrouvés morts à leur domicile à Los Angeles dans ce que les autorités qualifient désormais d’homicide apparent. Leur fils a été arrêté et fait face à des accusations de meurtre, un foyer brisé, une famille dévastée, une tragédie humaine profonde dont les racines, addiction, problèmes de santé mentale et souffrance, interrogent notre société entière. Wikipédia+1

Et puis est venu le message du Président des États-Unis sur sa plateforme X. Là où tant de voix ont exprimé douleur, respect et recueillement, où tant d’hommages ont souligné non seulement l’immense carrière mais la générosité, l’humanité et l’engagement de Reiner, Donald Trump a choisi un tout autre langage. AP News

Dans sa publication, Trump n’a pas offert d’empathie. Il n’a pas honoré la mémoire de deux personnes brutalement arrachées à la vie. Au lieu de cela, il a choisi de politiser la mort, de réduire un être humain — un père, un mari, un créateur, à un slogan politique. Il a indirectement relié la mort de Reiner à ce qu’il appelle la « Trump Derangement Syndrome », un terme méprisant visant à ridiculiser ceux qui pensent différemment de lui, comme si la divergence d’opinion valait une condamnation morale, comme si le désaccord politique pouvait expliquer ou justifier une tragédie personnelle. Reuters

Ce message, partagé jusqu’à la Maison-Blanche, a généré une onde de choc à travers tout le spectre politique. Des voix conservatrices elles-mêmes ont dénoncé l’absence de décence, appelant au respect, appelant à reconnaître l’humanité avant l’appartenance idéologique. San Francisco Chronicle

Quand un homme de 78 ans et sa femme sont tués, ce ne sont pas des statistiques ou des cases politiques que nous perdons. Ce sont des histoires, des relations, des éclats de vie. Ce sont des films qui ont fait rire, pleurer, réfléchir. Ce sont des instants partagés, des souvenirs, des fragments d’humanité que la mort rend irréversibles.

La réaction devrait être autre chose que de transformer une tragédie familiale en instrument de combat politique. Les mots ont un pouvoir immense, ils peuvent blesser encore plus que la lame la plus aiguisée, isoler plus que le silence le plus profond. Et lorsqu’ils sont prononcés depuis la plus haute fonction d’un pays, ce pouvoir s’amplifie.

Une tragédie humaine, pas un bulletin de vote

Dans les heures qui ont suivi l’annonce du décès de Reiner et de Michele, figures respectées et aimées, des artistes, des dirigeants et de simples citoyens ont partagé leur chagrin , des messages d’hommage centrés sur la vie, le legs, l’amour et la perte. AP News

Ce contraste est saisissant : d’un côté, l’élan naturel de compassion humaine ; de l’autre, une réponse qui néglige cette compassion au profit d’une attaque rhétorique. Ce choix révèle quelque chose de plus sombre encore : un monde où, parfois, notre première réaction n’est plus d’honorer la vie, mais d’ériger la division.

Et au final, alors que les projecteurs médiatiques s’éteignent et que le bruit des polémiques s’estompe, ceux qui restent avec le silence, la douleur et le manque d’un père ou d’une épouse sont des êtres humains bien réels, bien au-delà de toute rhétorique politique.

Je n’écris pas cet éditorial pour convaincre tout le monde. Je l’écris parce que se taire serait accepter. Accepter qu’on banalise la mort. Accepter qu’un tweet vaille plus qu’une vie. Accepter que le pouvoir parle sans jamais s’arrêter pour regarder les dégâts qu’il laisse derrière lui. La question n’est plus ce qu’a dit ce Président. La vraie question est celle-ci :

Jusqu’où sommes-nous prêts à aller avant de dire que ça suffit ?

Je vous laisse avec ce malaise. Parce qu’il est nécessaire. Parce que l’indifférence, elle, est bien plus dangereuse.

« Quand même la mort ne suffit plus à imposer le respect, ce n’est pas la politique qui est en crise, c’est notre humanité. »

Marie Buteau


Aucun commentaire:

Publier un commentaire

"Votre avis compte ! N'hésitez pas à partager votre perspective sur le sujet."

Une semaine sans humanité : quand les mots deviennent des armes

Une semaine qui, malheureusement, nous prévient de ce qui nous attend. Avant de commencer, soyons clairs : le monde change chaque jour — l’e...